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GÉNÉALOGIQUE

Album : Break

Année : 2023


Dans l’grenier y’a des caissons plein d’pourriture, des secrets sous couverture alors personne s’y aventure. C’est sûr qu’elles font du bruit les casseroles de papy. Tout l’monde se porte mieux si l’traumatisme reste sous l’tapis. Le problème c’est que ça s’transmet de branche en branche et on prend cher. Les générations reproduisent derrière. Donc je romps les liens maudits, les cycles de malheur. J’étudie mon arbre généalogique, armé d’un sécateur. Très tôt éduqué à bien s’laver les mains. « Tes émotions négatives, eh bien cache-les bien ! ». Pas un cheveu qui dépasse, rien, toujours le droit chemin. « Écoute les problèmes des autres… Mais bon, jamais les tiens. ». Les caisses de l’ADN se remplissent et le vice c’est comme le talent, ça s’transmet bien de père en fils. Donc j’allume c’qu’on a fait taire, j’remonte dans l’grenier. Et sans notaire je dénonce tout ce dont j’veux pas hériter.

J’déchire les pages afin d’mieux les lire. Le plus dur quand on prend d’l’âge c’est de déconstruire.


1972, y’a d’la tension dans la rue. Elle a 12 ans. Ses parents s’font crier dessus « Français, allez vous-en ! ». Mais elle est née ici et la langue de Molière n’est pas la sienne. Coupable d’avoir le nom de famille d’une Alsacienne. Donc elle encaisse les moqueries, elle s’acclimate dans un nouveau pays qui lui aussi lui dit « T’es pas d’ici. ». Tête baissée, elle fera une belle carrière en France. Et ça je le prends. Ce cadeau qui vient d’ma mère : la résilience.


Quand j’ai fait le tri, j’ai vu les trophées, j’ai dit merci. Un chanceux. Héritier. Un prince, comme Eddie Murphy. Mais quand j’ai fait l’tri j’ai aussi découvert des coups d’éponge et sous les ponts j’ai vu les traces des crasses et des mensonges. Tous les petits crimes, tous les torts qui blessent. Tout ce qu’on s’garde bien d’avouer quand on prie à la messe. J’vois les fautes graves, y’a les fautes morales mais on la ferme car faut pas entacher l’honneur familial. J’me disais bien que j’avais vu ce complexe quelque part. Et j’comprends mieux pourquoi j’lutte avec telle ou telle tare. Avant qu’il ne soit trop tard, j’émonde. Clic ! Débarrassé des traditions qui pour moi sont franchement toxiques. J’ai vu des schémas qui s’répètent, qui s’répètent quand j’ai fouillé dans les petites lettres des ancêtres. J’ai vu les larmes qui reviennent, qui reviennent sans que personne n’arrête les malédictions diluviennes. Donc stop.

J’déchire les pages afin d’mieux les lire. Le plus dur quand on prend d’l’âge c’est de déconstruire


1977, au chevet de son père mourant. Y’a pas d’diplôme et pas un centime sur le compte courant. Il s’promet d’arrêter la drogue et de s’ranger. Et si Dieu l’permet, il prendrait bien l’job d’homme au foyer. Il apprend à lire et s’forme à la guitare et c’est de discipline et de courage dont il se pare. Et donc 30 ans plus tard, il enseigne l’harmonie tout fier. Et ça j’prends. Cette passion pour la musique qui vient d’mon père.


J’suis reconnaissant, y’a quelques belles pages et il y a bien pire comme départ pour un voyage. J’suis reconnaissant quoi qu’on en dise mais j’aimerais pouvoir choisir ce que j’emporte ou pas dans ma valise. J’ai pas envie d’finir comme ces vieux que j’ai vu d’mes yeux, rongés par l’orgueil et tout détruire chez eux. Et qui derrière se lavent la conscience avec du religieux. Non, non, mon Dieu j’veux pas finir comme ces tontons dangereux. Alors je grimpe, j’escalade cet arbre du silence. Je viens dénicher les dettes et les douleurs d’enfance. Défricher les habitudes, dénoncer les sales similitudes. Ouais, assainir ce champ de mine qui tue. Ces drames passés qui rattrapent les gosses. À peine sorti déjà la psyché pleine d’bosses. Arrache les mauvaises herbes, tant qu’il est encore temps. « La vérité rend libre », un verset des plus importants.

J’déchire les pages afin d’mieux les lire. Le plus dur quand on prend d’l’âge c’est de déconstruire.

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